Réaction du Collectif sur le très « cher » musée d’Aurignac

Vendredi 28 octobre, la rédaction de France 3 Midi-Pyrénées a fait paraître un article sur le musée d’Aurignac intitulé “Un très « cher » musée pour le Conseil Départemental de la Haute-Garonne” (à lire plus bas). Il présente spontanément une réaction logique et saine aux errements de nos politiques. Il appelle toutefois de la part de notre Collectif des Contribuables des Terres d’Aurignac quelques remarques suivantes :

• SUR LE REMBOURSEMENT D’EMPRUNTS :

Le Conseil Départemental devrait en fait participer au remboursement (à 80 % en théorie) de 2 emprunts :
1. Emprunt principal contracté en 2013 pour la réalisation du musée, soit 430 000 € sur 20 ans au taux de 5,1 % ;
2. Emprunt de 547 000 €, qui vient d’être signé et correspond à la partie d’un prêt relais de 1 million d’euros sur 2 ans, conclu également en 2013 en attendant le paiement des subventions et le remboursement de la TVA. Ces fonds, lorsqu’ils ont été perçus, ont en fait servi à combler en partie le trou abyssal de fonctionnement de la communauté de communes des Terres d’Aurignac (CCTA). Il restait donc 547 000 € à rembourser au Crédit Agricole qui ont été « consolidés » par un nouveau prêt réalisé sur 20 ans auprès de la même banque… avec la caution à 100 % du Conseil Départemental.
On notera par ailleurs que la CCTA a perdu 119 873.26 € de subventions de l’Europe (FEADER) et doit rembourser 37 904.19 € sur ce qu’elle avait perçu, en raison de la négligence du vice-président en charge du projet, Michel Chrétien…

• SUR LE FONCTIONNEMENT DU MUSÉE :

Les détails cités dans l’article sur les recettes liées à la vente de tickets d’entrée et sur les ventes à la boutique du musée sont visiblement extraits du document qui a été communiqué aux élus lors du vote du compte administratif 2015. Ce document est malheureusement sujet à caution notamment en ce qui concerne les recettes… Les recettes du musée (compte 70) qui y figurent sont présentées en 2 parties, celles encaissées directement par la communauté de communes et celles encaissées par la régie d’exploitation qu’elle a mise en place, soit en tout 9 550,61 €. Les 2 634 € cités dans l’article correspondent aux seules entrées qui auraient été perçues par la régie (en 2015), les 136,69 € de « café » cités pour l’anecdote ont été encaissés par la régie et la CCTA en direct (en 2015 toujours). Les 4 320 € présentés comme le chiffre d’affaires 2015 correspondent en fait au montant des subventions perçues, en provenance de la DRAC notamment, en 2015.

Tous les chiffres, notamment les recettes, qui ont été effectivement présentés aux élus sont cependant « à prendre avec des pincettes » parce que la gestion du musée a été extrêmement chaotique notamment entre son ouverture, fin juillet 2014 et mai 2015. Durant cette période, les ventes de billets et d’objets de la boutique ont été encaissées par l’office du tourisme (environ 15 000 €) de façon plus ou moins fantaisiste, sans caisse enregistreuse, sans logiciel comptable… Une partie des recettes, qui étaient donc sur le compte bancaire de l’office de tourisme, n’a donc pas été prise en compte dans le tableau distribué aux élus de même que d’autres sommes qui étaient dans le coffre du musée ou en instance de validation par la perception. Il semblerait qu’en fait les recettes totales de 2015 s’élèvent à 28 484,53 € selon un document « officiel » fourni par la communauté de communes.

Quant aux chiffres de fréquentation cités, ils sont extraits de classeurs Excel tenus par une employée du musée, extrêmement mal présentés, desquels sont d’ailleurs extraits les chiffres de recettes 2015 « réelles ».

• EN RÉSUMÉ :

En 2015, on peut estimer que le montant total des dépenses de fonctionnement du musée s’élevait à 255 360,34 €. Le montant des recettes directes du musée (billetterie et vente boutique) se serait élevé à 28 484,53 €. Le ratio entre les recettes et les charges de fonctionnement est donc de seulement 11 %… quand il se situe en moyenne à 43 % pour les musées nationaux. Pour les musées territoriaux, il est très variable et dépend du dynamisme de la structure. Par exemple, le musée du Patrimoine de Hières-sur-Amby (“musée de France”, comme à Aurignac, de la Préhistoire au début du Moyen Âge en Isère) a un ratio recettes/dépenses de 89 %.

Le montant des subventions était de 4 320 € + 15 000 € (subvention DRAC 2014 pour actions 2015). Le montant estimé du déficit de fonctionnement serait donc en 2015 de 207 555,81 € à la charge en fait des contribuables de la communauté de communes. (Les 59 000 € de subventions d’équilibre que cite l’article ne correspondent en fait qu’à la partie du déficit durant la période pendant laquelle la régie du musée a fonctionné). Dans tous les cas, gestion directe par la CCTA ou par la régie du musée, ce sont bien les contribuables de la CCTA qui ont payé le déficit réel total, supérieur donc à 200 000 €…

Tout cela ne tient pas compte du remboursement de l’annuité du prêt principal de 430 000 € (34 797,48 €) dont la commune d’Aurignac reverse la moitié à la CCTA et d’une participation de 35 000 € aux frais de fonctionnement, également compensée par la commune d’Aurignac. Il faudrait également prendre en compte les frais financiers du prêt relais de 1 million d’euros et surtout des pénalités encourues en raison des retards de paiement…

Comme les lecteurs peuvent le constater, la gestion de la communauté de communes des Terres d’Aurignac est particulièrement claire… et économiquement efficace. Heureusement, les contribuables sont là pour payer et ont réglé, en 2015, 554 489,90 € de plus qu’en 2014 (augmentation réelle des taxes ménage en valeur : 44,2 %) ! Le niveau exceptionnellement élevé d’imposition de 2015 est reconduit pour 2016…

Le musée d’Aurignac est donc à la fois le révélateur et le bouc-émissaire de la situation de la Communauté de communes des Terres d’Aurignac. Notre Collectif des Contribuables des Terres d’Aurignac avait réagi en mars dernier par un communiqué à l’annonce de la reprise à 80 % du musée par le Conseil Départemental de la Haute-Garonne.


Un très « cher » musée pour le Conseil Départemental de la Haute-Garonne

Le mardi 18 octobre, le conseil départemental de la Haute-Garonne a annoncé la création d’un nouveau musée. La nouveauté est relative. Le département récupère une structure créée et gérée depuis 2014 par une communauté de communes du Comminges, la Communauté de Communes des Terres d’Aurignac. Le département de la Haute-Garonne est très fier de cette acquisition : « le musée de l’Aurignacien, c’est tout un patrimoine de l’Humanité connu dans le monde entier « . Un important déficit et une fréquentation plus que modeste assombrissent ce beau tableau.

Le nouveau musée départemental est une opération de sauvetage. L’ancien gestionnaire peut déboucher une bouteille de champagne. La Communauté de Communes des Terres d’Aurignac (CCTA) est au fond du trou. La Chambre Régionale des Comptes examine son cas et la justice est saisie s’agissant de son fonctionnement. Le fait d’être délesté d’un musée déficitaire est le bienvenu. En revanche, le contribuable est loin d’y trouver son compte.

Aurignac-Musée forum de l'Aurignacien. Photo : ministère de la CultureAurignac-Musée forum de l’Aurignacien. Photo : ministère de la Culture

L’engagement financier du Département est à la hauteur du « riche ensemble de plus de 300 objets archéologiques provenant des fouilles du site préhistorique commingeois découvert en 1860« . Le conseil départemental a déjà dépensé 200 000 euros. Au travers d’un Syndicat Mixte (crée pour une durée illimitée), le contribuable haut-garonnais va financer 80 % du budget de fonctionnement du Musée de l’Aurignacien. Les finances départementales vont également rembourser un emprunt en cours auprès d’une banque. Montant : 1 millions d’euros. Plus de 500 000 euros restent à couvrir.

Ces investissements sont à mettre en vis-à-vis avec le tableau de bord du musée. Déficit en 2015 : 226 490 euros. Ce mauvais résultat correspond à de très faibles recettes. En 2015, les recettes liées à la vente de tickets d’entrée s’élèvent à… 2634 euros. Des ventes à la boutique du musée (1015,43 euros) et de café (136,69 euros) permettent de dégager un chiffre d’affaires de… 4320 euros en 2015. 

Le total des recettes (toujours en 2015) est de : 13  870,61 euros.

Ces recettes commerciales sont à la hauteur de la fréquentation du lieu. Pour le mois de février 2016, on dénombre 356 visiteurs : 219 adultes, 59 jeunes, 19 « – de 6 ans », 59 scolaires. En janvier 2015, c’est pire. 171 entrées. 94 adultes. 10 jeunes. 5 enfants. 62 scolaires. Petite précision : les scolaires ne payent pas de ticket d’entrée.

Lors de sa création, en 2014, le musée de l’Aurignacien a été présenté comme un « joyau » capable de faire venir des visiteurs d’Australie. C’est possible que des habitants de Sidney se déplacent. Mais, comme les visiteurs toulousains, bordelais ou parisiens, ils ne débarquent pas en bus. Une « marraine » du projet, Carole Delga,a réussi à décrocher un label rare pour une musée en zone rurale. Le label « musée de France ». Mais, cela ne suffit pas à remplir les caisses.

Le ratio entre les charges de fonctionnement (177 077,36 euros de charges de personnel, 11 960,26 euros de publicité et communication, 1700 euros de voyages et 3588,44 euros de frais de téléphone et d’internet…) et les recettes est totalement déséquilibré. 

Des subventions de l’ancien gestionnaire limitent un peu les dégâts : 59 000 euros de subvention d’équilibre et 35 000 de participation aux frais de fonctionnement en 2015.

Le problème c’est que la Communauté de Communes des Terres d’Aurignac est elle-même exsangue : 748 746 euros de déficit au compte administratif de 2015. La Chambre Régionale des Comptes doit rendre prochainement un rapport public. Deux procédures ont été déposées concernant sa gestion. Une plainte déposée en gendarmerie porte sur un détournement de fond et l’autre vise un soupçon de « fausse délibération » concernant une ligne de trésorerie de 600 000 euros. 12 conseillers communautaires ont fait un signalement auprès du Procureur de la République. L’ancien président de la Communauté de Commune et promoteur du musée a du démissionné. Selon nos informations, ce proche de Carole Delga, ancien secrétaire de section du PS, travaille désormais au conseil régional.

Dans ce contexte, la décision du Conseil Départemental dépasse largement le cadre de la politique touristique. Elle peut faire plaisir aux amateurs de préhistoire. Mais le nouveau musée départemental fait surtout plaisir à certains élus du Comminges.

Laurent Dubois (@laurentdub)

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